Bovins vifs La demande turque s’oriente de plus en plus vers l’Amérique latine
La dépréciation de la livre turque favorise les exportateurs sud-américains, plus compétitifs que les Européens. La France risque d’être touchée directement (non-reprise des exportations) et indirectement (redirection de certains flux vers les clients de l’Hexagone).
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La crise monétaire turque s’est particulièrement accentuée à partir d’août 2018, en raison du regain des tensions entre Ankara et Washington. Entre le 1er janvier et le 13 septembre, la livre turque a ainsi perdu 40 % de sa valeur face au dollar américain.
« La Turquie, qui subit un déficit en viande bovine, importe à 80 % des bovins maigres (bovins de moins de 350 kg et moins d’un an) et les 20 % restants sont des bovins finis (plus de 500 kg) et des reproducteurs », rappelle FranceAgriMer, dans une synthèse datant du mois de novembre 2018, consacrée aux répercussions possibles de la crise turque sur les exportations bovines françaises.
Broutards
Selon Bozkurt Ozserezli, attaché agricole à l’ambassade de France, faisant « suite à la dépréciation de la livre turque, l’importation des bovins n’est plus rentable et la quantité prévaut nettement sur la qualité. Malgré la reconnaissance de la qualité des animaux français, les Turcs essaient donc d’importer des bovins d’Amérique latine, car ces derniers sont tout simplement moins chers. »
« Selon le dernier bulletin de l’ESK [l’agence nationale turque de la viande et du lait], le prix du bovin oscille autour de 2,5 €/kg sur le marché intérieur turc alors que le prix du bovin maigre provenant de la France varie autour de 3,40 €/kg, et peut donc sembler peu compétitif à l’heure actuelle. Néanmoins, compte tenu de la chute de la livre turque, même les bovins provenant des pays de l’Amérique latine (Brésil et Uruguay) sont devenus chers pour les Turcs (2,85 €/kg pour les bovins brésiliens). »
En 2017, l’Uruguay et le Brésil occupaient les deux premières places au classement des fournisseurs de bovins vifs de la Turquie, avec respectivement 35 % et 19 % des parts de marché. En 2015, année signant une brève ouverture du marché turc aux bovins français, c’est l’Hexagone qui se classait second exportateur. La réouverture du marché actée à la fin de 2017 n’a en revanche donné lieu qu’à de très faibles échanges, pour des raisons économiques mais aussi du fait d’un niveau d’exigence du certificat sanitaire apparaissant « extrêmement élevé » aux exportateurs français.
Bovins gras
En 2017, l’Espagne était le plus gros fournisseur de la Turquie, avec 31 700 bovins gras exportés. Mais FranceAgriMer constate qu’en août 2018, « seuls les brésiliens ont apparemment pu exporter des bovins gras vers la Turquie ». Le risque pour la France est donc indirect. « Si l’Espagne n’a plus la possibilité de fournir la Turquie en bovins gras, elle pourrait par exemple se réorienter sur le Liban pour écouler sa production et alors possiblement « prendre » des parts de marché à la France, qui elle aussi exporte des bovins gras vers le Liban. »
Dans l’hypothèse où l’Espagne viendrait à réduire ses exportations de bovins gras, les envois français de petits veaux et de broutards légers vers les ateliers d’engraissement ibériques pourraient également avoir du plomb dans l’aile.
Viande bovine
Selon les experts, c’est la viande « qui risque davantage d’être touchée par les restrictions d’importations en Turquie. […] L’arrêt partiel ou total des envois de viande polonaise vers la Turquie pourrait alors pousser ce pays à augmenter ses volumes vers, entre autres, les trois clients historiques de la France. » En 2017, « la Pologne a exporté 83 800 tonnes de viande bovine fraîche vers l’Italie, 46 350 tonnes vers l’Allemagne et 8 800 tonnes vers la Grèce. La France, de son côté, a exporté 71 900 tonnes vers l’Italie, 43 000 tonnes vers la Grèce et 40 700 tonnes vers l’Allemagne. »
Valérie ScarlakensPour accéder à l'ensembles nos offres :